
Tous les mois, gérard BRETON vous donne rendez-vous pour une nouvelle chronique.
Ce mois-ci, il poursuit sa trilogie : "Tricheurs, M'as-tu-vu et camouflés" avec une 2ème partie consacrée aux "M'as-tu-vu et camouflés"... Voir la chronique
La première chronique est toujours disponible !
C'est pour la même raison que se recrutent dans ces groupes les espèces les plus vivement colorées comme les opisthobranches Pleurobranchus testudinarius (= Susania testudinaria) à la robe orange, les tubercules étant soulignés d'un cercle blanc bleuté lumineux
ou le très voyant doridien Peltodoris atromaculata surnommé« la dalmatienne » par les plongeurs
ou encore Chromodoris luteorosea
Beaucoup de plongeurs ont eu l'occasion d'observer la très commune éponge orange encroûtante Crambe crambe (Thiele), formant une sorte de boule qui se contracte brutalement à l'approche de l'intrus, alors même que les éponges n'ont pas de muscles.
Il en va de même de la baudroie Lophius piscatorius qui doit son nom d'espèce au fait qu'elle chasse les poissons à l'affût. Une sorte de canne à pêche - le rayon d'une nageoire - lui permet d'agiter au-dessus de sa bouche un appétissant lambeau de chair. Malheur à l'imprudent poisson qui se laisse tenter : elle le gobe en ouvrant une bouche démesurée.
Le poisson n'a rien vu car le corps de la baudroie, tacheté de gris et pourvu, lui aussi de nombreux lambeaux en forme d'algue - y compris une « barbe » impressionnante - est parfaitement camouflé. Ces lambeaux, et la tête démesurée rendent d'ailleurs la baudroie si peu décorative que, lorsqu'elle arrive à l'étal du poissonnier, non seulement elle a changée de nom (la lotte de mer), mais encore elle a été décapitée : la tête, encombrante et jugée inesthétique donc peu commerciale, n'est jamais exposée. Ici, le camouflage empêche le prédateur d'être repéré par la proie : il s'agit d'un camouflage offensif.
Autres champions du camouflage, les arthropodes. L'araignée de mer Maja verrucosa a déjà, lorsqu'elle est nue, un corps honnêtement discret : couleur neutre, abondantes épines et pattes grêles lui permettent de passer inaperçue parmi les algues. Mais elle en rajoute, en pratiquant une sorte de camouflage actif. Non seulement elle laisse pousser sur son dos et sur ses pattes un gazon de petites algues, éponges, hydraires qui la rendront bien moins visible, mais encore elle participe activement à la chose, en cueillant avec ses pinces des fragments d'organismes et en fixant sur des petites épines en crochet ces boutures qui s'y développeront en une vêture d'autant plus réussie qu'elle est naturelle et vivante.
Sa couleur est identique à celle de l'algue. Les Bosellies sont vert clair ou vert plus soutenu selon qu'elles se trouvent habituellement à la face inférieure, plus claire, ou à la face supérieure du thalle de l'algue.
Leurs rhinophores, blancs, et une tache au milieu du dos miment les jeunes tubes de serpules, abondants sur les thalles de l'algue.
Une telle homochromie pose d'ailleurs un problème au photographe sous-marin : si la photo qui doit illustrer le camouflage est réussie, on ne voit pas l'animal camouflé, et, si on le distingue, c'est que le camouflage n'est pas parfait. Nous avons connu ce dilemme en photographiant un poisson plat Bothus podas (Delaroche) homochrome sur fond de sable.
Les deux derniers cas montrent que le camouflage se pratique à toutes les échelles et que des animaux de petite taille peuvent également vivre cachés. La mise en évidence de ces deux petits camouflés est à mettre à l'actif du plongeur biologiste dont nous contions, plus haut, la mésaventure avec Alicia.